La reconquête des friches urbaines constitue un enjeu majeur pour les territoires à l’aune de la sobriété environnementale. Dans la métropole lilloise, les acteurs de la fabrique urbaine s’emploient à construire la ville sur la ville. Certains projets ambitieux se veulent exemplaires au long terme. Alors, étiquette marketing d’une tendance immobilière ou réelle volonté d’aménagement durable ?
Reconquérir les friches urbaines de la métropole lilloise

Depuis une décennie, des quartiers durables se dessinent aux quatre coins de la métropole. Ces morceaux de ville s’articulent autour de valeurs sociales et environnementales fortes. La notion du bien vivre ensemble vient les renforcer. Matériaux sains, réduction des déchets, énergies renouvelables, tout est pensé en vue de l’amélioration de la qualité de vie des habitants et la limitation des impacts environnementaux. Le tout, dans une logique de mixité conjuguée à un dialogue entre urbanité et nature. Cet objectif se traduit par un enchevêtrement de logements, commerces et bureaux. Ces derniers s’épanouissent au sein d’espaces verts préservés, favorisant la biodiversité. Et quoi de mieux que de reconquérir les friches urbaines, ces espaces désertés et marginalisés, pour créer une ville dense, durable et désirable à l’heure où l’on nous assène de longs discours sur l’étalement urbain ?
Pourquoi les-reconvertir ?
Support d’un aménagement vertueux, reconstruction de la ville sur elle-même, génératrices de synergies, les friches urbaines représentent l’opportunité pour les acteurs de la promotion immobilière de construire des lieux pluriels et attractifs, répondant aux enjeux écologiques et démographiques de notre époque. Les dispositifs mis en place par l’État accompagnent certains de ces projets en gestation. Portée par le ministère de la Transition écologique, la démarche Écoquartier a pour objectif de soutenir les acteurs à « concevoir, construire et gérer des villes et territoires autrement ». Démarrée il y a plus de dix ans, cette politique de régénération urbaine est reconnue officiellement grâce au label ÉcoQuartier. D’ailleurs, depuis sa création en 2012, plus de 500 opérations ont été accompagnées.
Les terrains en friches, des laboratoires durables
En lisière de Lille et de Lomme, aux abords du canal de la Deûle, la requalification de la filature Leblan-Lafont en 2004 a amorcé le renouveau d’un quartier. Imposant château industriel de plus de 22 000 m², l’ex-usine abrite le site d’excellence et d’innovation EuraTechnologies depuis 2009. Aujourd’hui, il est devenu un véritable écosystème de la French Tech dont l’aura rayonne au-delà de l’Hexagone. Autour de ce symbole, c’est tout un quartier qui se construit au fur et à mesure des années. Son nom : les rives de la Haute-Deûle. Au total, 100 hectares du site industriel sont à reconquérir, soit une précieuse réserve de terrains constructibles !
Porté par la Métropole Européenne de Lille (MEL), les communes de Lille et de Lomme et l’aménageur Soreli, le projet entend garantir une offre d’aménités urbaines attractives et durables, au service des habitants et des usagers, tout en apportant une qualité paysagère et environnementale grâce à la présence de l’eau. Ses ambitions et ses prouesses lui valent plusieurs distinctions : il reçoit en 2009, le prix Écoquartier sur le thème de l’eau pour sa gestion des eaux pluviales, traitées et acheminées vers la Deûle ; en 2010, le prix de l’Aménagement urbain pour la qualité de ses espaces publics ; en 2013, la labellisation ÉcoQuartier ; puis en 2022, le niveau ultime (étape 4) de la démarche par le ministère de la Transition écologique.
À terme, l’écoquartier comprendra une programmation de logements diversifiée, des commerces, des services et des équipements. Le tout, entouré de nombreux espaces publics. D’un site industriel monofonctionnel sur un territoire longtemps sinistré et stigmatisé, le quartier poursuit sa mue. Celui-ci allie ainsi mixité fonctionnelle et sociale.
Vitrine d'un lieu habité

En 2001, la fermeture de l’usine Fives Cail Babcock à Lille – ancien fleuron de l’industrie métallurgique – a donné naissance à un vaste terrain de 25 hectares, racheté trois ans plus tard par la MEL. Après des années de réflexion et de concertation avec les habitants, l’aménageur Soreli enclenche en 2011 la première phase du projet Fives Cail. Les 17 hectares des halles monumentales de briques et d’acier sont réhabilitées. Elles sont prêtes, en 2016, à accueillir le lycée hôtelier international de Lille (LHIL).
Au printemps 2022, c’est au tour de l’École Supérieure de Design d’Arts Appliqués et de Communication (ESDAC) de prendre ses quartiers, en lieu et place de l’ancienne infirmerie de l’usine. Parmi les autres aménagements prévus dans la première phase du projet, une cuisine solidaire, un incubateur culinaire, une ferme urbaine et bien sûr, des logements. En accession libre, aidée ou en locatif social, ils favorisent la mixité. Au total, sur les 1 030 logements programmés, la moitié d’entre eux est déjà livrée ou en cours de livraison.
La seconde phase d’aménagement de la friche urbaine est d’ores et déjà en préparation. Étendue sur 15 hectares, elle prévoit la construction des 530 logements restants et d’une piscine intercommunale au cœur des anciennes halles. Enfin, la création d’un parc de 5 hectares qui s’émancipera jusqu’au sud du site. Déjà labellisé ÉcoQuartier (étape 2) en 2016 pour la performance énergétique des bâtiments, le réemploi et la gestion des eaux pluviales, le projet nourrit de grandes ambitions. En effet, il souhaite offrir à ses habitants un cadre de vie apaisé, loin du tumulte autrefois grondant de l’usine. Avec des promesses aussi séduisantes, le projet parviendra-t-il à redynamiser l’image de ce quartier ? Réponse en 2026, date de livraison estimée pour la totalité des aménagements.
Développement durable et aménagement du végétal urbain

À la jonction de Croix et de Villeneuve-d’Ascq, La Maillerie est un projet urbain imaginé en 2017 par Linkcity et Nhood. L’objectif : transformer les 10 hectares du site industriel laissé depuis 2011 par les 3 Suisses en un quartier mixte et innovant, durable et ouvert à tous. Un projet associant logements, commerces, bureaux et services. Après quatre ans de travaux intégrant une démarche d’économie circulaire (réemploi et recyclage des matériaux, valorisation des déchets de chantier…), la réhabilitation de l’ancien entrepôt de logistique marque fin 2021 la première étape du projet. Sur 6 000 m², il accueille un espace marchand, un village de créateurs dédié à la mode engagée et responsable, ainsi que les halles gourmandes. L’année suivante voit débarquer l’arrivée des bureaux, des espaces de loisirs, du rooftop végétalisé et de son potager urbain.
D’ici l’horizon 2024, trois programmes résidentiels ex nihilo étofferont le quartier : La Marinière, Le Point de Croix et Le Bord-Côte. Avec ce quartier entièrement labellisé Biodiversity, Linkcity et Nhood souhaitent offrir une nouvelle façon d’habiter la ville. Et cela en favorisant la biodiversité, les surfaces agricoles, l’agriculture urbaine, la mobilité douce mais surtout le mieux vivre ensemble pour les 3 000 habitants.
La biodiversité des friches urbaines, le défi de la résilience

À la frontière de Roubaix, Tourcoing et Wattrelos, le quartier de l’Union illustre la volonté d’inscrire une programmation mixte au sein d’un paysage urbain de 80 hectares autrefois occupé par l’industrie.
Désormais, les traces de cette époque florissante se lisent notamment sur les briques rouges et le béton armé de l’Imaginarium. Cet ensemble amiral de 8 000 m² abrite depuis 2012 la Plaine Images, hub européen des industries créatives. En charge de l’aménagement du site depuis 2007, la SEM Ville Renouvelée a développé plusieurs projets : à l’image du Centre européen des textiles innovants (CETI) ou encore du Kipstadium, vaste complexe dédié aux sports collectifs implanté sur l’ancienne friche de la brasserie Terken. On retrouve également la réhabilitation immobilière de l’un des anciens magasins de stockage de la Tossée, accueillant la Maison de l’Union. Dans ce secteur, le renouvellement des friches urbaines n’est pas totalement achevée. En effet, d’autres projets sont toujours en cours.
Pour sa politique d’aménagement en faveur du développement durable, l’Union reçoit en 2011 le grand prix national Écoquartier, avant d’obtenir en 2013 la griffe ministérielle. Traversé par le Canal de Roubaix, le quartier tire profit de ce cadre existant pour préserver les milieux naturels. Ainsi, il réintroduit la nature en ville, via notamment l’aménagement d’un grand parc urbain de dix hectares. Peuplés de quelque 800 arbres et de deux bassins paysagers, le marais préservé et le marais fréquenté, un véritable refuge pour la biodiversité. Au total, 6 000 salariés affluent chaque jour au sein de cet écoquartier. Seize ans après les premiers balbutiements du projet, le quartier est encore loin d’avoir terminé sa transformation.