L’Opéra de Lille fête les 100 ans de l’inauguration du bâtiment et les 20 ans de sa réouverture, sous la direction de Caroline Sonrier. Une occasion de redécouvrir cette institution culturelle et ses nombreux spectacles ! Nous sommes partis à la rencontre de ceux qui, dans l’ombre, œuvrent au quotidien afin de garantir des représentations exceptionnelles. À travers leur témoignage, Camille Devos, responsable de l’atelier costume, Stéphane Lacharme, régisseur général, ainsi que Laurie Hourriez, chargée de RSE nous partagent avec passion leurs savoir-faire, leurs regards sur l’art, la culture. Ils nous ouvrent le rideau des métiers de l’Opéra de Lille !
Stéphane Lacharme, régisseur général à l'Opéra de Lille
Stéphane Lacharme est l’un des deux régisseurs généraux à l’Opéra de Lille. À travers ses choix et son parcours, il nous parle de ce métier de l’ombre. Il l’exerce avec passion depuis maintenant plus de 20 ans.
Quel cheminement vous a conduit à rejoindre l’Opéra de Lille ?
J’ai démarré avec une formation technique en Génie Civil et BTP, puis j’ai poursuivi en architecture design. En parallèle, j’ai pu entrer dans le milieu du spectacle, vers la construction de décors. Quelques années plus tard, j’ai intégré l’équipe de l’Opéra de Lille. J’aurais pu m’orienter vers l’architecture, mais je me suis rendu compte qu’il fallait des années à l’architecte pour produire une œuvre d’art, alors que dans le spectacle, on réalise plusieurs décors par an et j’étais attiré par toute cette richesse et cette diversité. Et puis, à l’Opéra, on évolue aux côtés de différents corps de métiers !
Quel est votre rôle et quelles sont vos missions principales en tant que régisseur général ?
À l’origine, le régisseur général est le responsable des régisseurs de scènes, soit de l’ensemble des personnes qui coordonnent le spectacle et dirigent les manœuvres. Ici, on s’est plus orienté vers une régie générale. Nous avons une équipe lumière avec des électriciens et des régisseurs lumière. Les machinistes s’occupent de ce qui a trait à la scène, c’est-à-dire au montage des décors et à la machinerie. Sans oublier la partie son et vidéo. Il faut gérer aussi ce qui touche à la technique, soit l’organisation du maquillage, de l’habillage, etc.
Nous intervenons très tôt, à peu près un an avant chaque réalisation, dès la présentation de la maquette par l’équipe artistique. On étudie la faisabilité technique du projet, puis on démarre avec la construction du décor, qui peut être assez longue. Tout doit être pris en compte, du montage au démontage, le stockage, le transport… J’assiste à l’ensemble des étapes, puis je redistribue ensuite les informations aux équipes plateau pour leur laisser la main lors de la représentation finale.
La maquette, les prémisses d’une production d'opéra
La maquette est un décor en miniature du spectacle. Elle est dévoilée à l’ensemble de l’équipe de l’Opéra au cours d’une présentation dédiée. Le metteur en scène et le scénographe exposent leur projet dans son ensemble, et expliquent leurs intentions. C’est un moment où il est permis de rêver, avant d’étudier la faisabilité technique et d’aviser en fonction du budget.
Quelles sont selon vous les compétences et les qualités indispensables pour le métier de régisseur général à l'Opéra de Lille ?
Tout d’abord, il faut une connaissance – non pas experte, mais la plus approfondie possible – des différents secteurs que l’on coordonne, c’est-à-dire, le son, la lumière, la vidéo. Ensuite, il y a une notion d’encadrement et de gestion d’équipe. On peut être amenés à accompagner une cinquantaine de techniciens sur le plateau (la scène, ndlr). Dans tout cela, bien sûr, la sécurité est primordiale. En effet, il nous arrive de bouger des décors de plusieurs tonnes et de réaliser des manœuvres importantes !
Nous n’avons pas de routine dans notre façon de travailler et l’on ne fait jamais deux fois la même chose : chaque décor est un nouveau décor, chaque spectacle est un nouveau spectacle. C’est riche et en même temps, au moindre problème, il faut savoir rebondir et réagir. Alors, si quelque chose ne va pas, je reprends la main, je discute avec les services concernés et je laisse les autres continuer. C’est important d’essayer d’apaiser les équipes pour être efficaces. Nous avons un devoir vis-à-vis des artistes et des spectateurs. Le détail crée la magie du spectacle. C’est ce qui fait que le public ne voit pas ce qu’il ne doit pas voir. Nous, par exemple. On est supposés être les cavaliers de l’ombre et rester invisibles ! C’est le but du jeu pour créer la magie…
Vous parlez de magie. Dans votre profession, qu’est-ce qui vous anime au quotidien ?
En étant généraliste, je peux toucher un peu à tout et trouver du plaisir à plein d’endroits différents. Par exemple, si le décor ne me plaît pas, peut-être que je vais trouver la lumière formidable ! D’ailleurs, il arrive que certains spectacles ne rencontrent pas un franc succès auprès du public. Et pourtant, nous adorons les produire de notre côté ! Ce sont également des rencontres d’interprètes, de chanteurs, de musiciens, certains que l’on revoit, d’autres pas…
Sur les gros spectacles, il peut y avoir 200 personnes sur scène avec l’orchestre, le chœur et les techniciens. Tout le monde est ensemble et une vraie complicité se crée entre les techniciens et les artistes. Dans ma carrière, j’ai eu la chance de rencontrer de belles personnes qui m’ont pris sous leur aile et m’ont donné beaucoup. J’arrive à un moment où je me dis que je ne vais pas garder tout cela pour moi, j’ai envie de transmettre et de nourrir les gens autour de moi.
Camille Devos, responsable de l’atelier costumes
Formée à ESMOD, Camille Devos a intégré l’Opéra de Lille en 2005 en tant qu’habilleuse. Avant de devenir plus tard responsable d’atelier costumes. Elle nous partage son expérience, ses souvenirs et son souhait de préserver le sur-mesure et les savoir-faire artisanaux.
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre métier ?
Avec le costumier, et Magali – ma collègue cheffe d’atelier – nous décidons de ce qui sera fabriqué et acheté. Je m’occupe ensuite du budget qui correspond aux maquettes que le costumier a dessiné. Puis je gère la partie achat et l’on choisit les tissus parmi des échantillons, parfois directement sur place, auprès de nos fournisseurs. Les coupeuses commencent par réaliser des toiles qu’elle font valider par le costumier, puis elles coupent dans le tissu. Cela dure environ un mois jusqu’aux essayages qui se déroulent au tout début des répétitions. Entre temps, nous disposons de trois semaines pour réaliser les finitions.
Nous ne procédons pas toujours de la même manière en fonction des spectacles. Certains ne nécessitent que des retouches, notamment pour les reprises, lorsqu’une production a déjà été donnée ailleurs et que l’on doit adapter le costume à une nouvelle morphologie. Selon le budget, on peut aussi se rendre dans les fripes.
Quelles créations vous ont le plus marqué ?
Pour « Le diable dans le beffroi » (Trois contes de Gérard Pesson, ndlr), on a réalisé des costumes en volume dans de la mousse contrecollée. Ce n’étaient pas forcément les plus beaux, mais ils correspondaient tout à fait à l’univers et me plaisaient beaucoup. Pour Le songe d’une nuit d’été (de Benjamin Britten, ndlr), on a aussi fait de très belles robes, assez techniques, dont une qui volait et dont il ne fallait pas voir la structure du dessous. Pour moi, un costume réussi est un costume dans lequel l’artiste se sent bien et qui fait de l’effet sur la scène.
Pouvez-vous nous parler d’un souvenir en particulier ?
Lorsque l’on a joué Jules César, à mon premier grand opéra. Les costumes étaient magnifiques et les changements très rapides ! J’aimerais que l’on puisse encore à l’avenir se donner les moyens d’avoir un atelier, avec des personnes qui possèdent un vrai savoir-faire.
Un univers aux nombreux métiers
À la différence du chef habilleur, qui s’occupe de l’habillage et de l’organisation de costumes au moment des spectacles, le responsable costumes accompagne les créateurs de costumes, notamment sur la partie administrative et sur les coupes. Mais il existe encore d’autres métiers, comme tailleur, modiste, etc.
Laurie Hourriez, chargée de RSE pour l'Opéra de Lille
Diplômée d’une école de commerce international et de management responsable, Laurie Hourriez a réalisé du conseil en management et en organisation pour les entreprises. Puis, elle s’oriente vers le RSE et le développement durable. Elle nous explique en quoi consiste son métier à l’Opéra de Lille. Elle nous parle des actions mises en place et la sensibilisation qu’elle mène en interne.
À la différence du chef habilleur, qui s’occupe de l’habillage et de l’organisation de costumes au moment des spectacles, le responsable costumes accompagne les créateurs de costumes, notamment sur la partie administrative et sur les coupes. Mais il existe encore d’autres métiers, comme tailleur, modiste, etc.
Chargée de RSE à l’Opéra de Lille, qu’est-ce que cela signifie ?
Au quotidien, je pilote la démarche et les actions en place pour réduire l’impact sur l’environnement, à travers plusieurs axes de travail. L’objectif est d’accompagner les projets et de mettre du lien entre les équipes de manière plus transversale pour sensibiliser aux enjeux du développement durable. Cela se traduit de différentes manières : je peux par exemple échanger avec les régisseurs généraux et les chefs accessoiristes pour constater le matériel qui a été réutilisé ou acheté de seconde main, ou encore étudier nos consommations d’énergie auprès du responsable du bâtiment.
On se pose aussi des questions sur le choix des matériaux pour le décor. Pour les équipes techniques, le polycarbonate notamment est plus léger et facile à manipuler que le verre qui est toutefois meilleur pour l’environnement. Comme tout le monde est concerné par le développement durable, je travaille sur ces sujets avec l’ensemble des salariés.
À l’issue d’une représentation, que faites-vous des costumes et des décors ?
Après une production, une partie des décors, des costumes et des accessoires est stockée en vue de la préparation d’autres spectacles. Nous possédons en tout 40 conteneurs, ce qui n’est finalement pas beaucoup comparé à d’autres salles, sachant que les décors d’opéra sont très grands et ne rentrent généralement pas dans un seul conteneur. C’est pourquoi dès lors que l’on sait qu’un spectacle ne sera plus rejoué et que l’on manque de place, on organise des dons auprès d’une soixantaine de structures – associations, salles de spectacle, petites compagnies de théâtre.
Quelles sont vos valeurs principales au travail ?
Quand on travaille avec différents corps de métier comme c’est mon cas, il faut pouvoir s’adapter à tous, sans gêner le quotidien. L’idée est donc de mettre en place les actions et de faire intégrer les pratiques dans la bienveillance, l’écoute et la compréhension des contraintes de chacun. Ce que j’aime le plus, c’est lorsque l’on vient me voir pour me dire que l’on a pris telle initiative sans que j’aie eu besoin d’intervenir. J’estime que j’aurais bien fait mon travail au moment où l’on aura plus besoin de moi et que le développement durable sera devenu un réflexe pour les équipes.
