GA Smart Building © Studio Montazami & Tezuka

Hors-site, quand la construction s’industrialise

Produire des bâtiments performants, conformes à la nouvelle réglementation, dans des délais records, et respectueux de l’environnement, c’est possible grâce à l’industrialisation ! Les bâtisseurs se tournent vers le hors-site pour changer la manière de concevoir le bâti et rechercher d’autres solutions. Visite vous emmène à la découverte de cette construction pleine de prouesses technologiques et de promesses. Un véritable changement de culture pour le bâtiment.

Définition d'un bâtiment hors-site : de quoi parte-t-on ?

La construction hors site – off the building ou off-site — également appelée construction préfabriquée, est un mode de construction qui consiste à fabriquer divers éléments d’un ouvrage en usine ou en atelier, autrement dit, en dehors du chantier. L’assemblage est ensuite assuré directement sur site. Dans l’inconscient collectif, ce type de construction renvoie à l’idée que l’on se fait de la préfabrication. C’est-à-dire une qualité médiocre, dépourvue de langage architectural – à l’instar des bâtiments modulaires qui ressemblent à des boîtes, empilées les unes après les autres, comme des briques de Lego. C’est l’une des raisons qui explique pourquoi ce procédé peine encore à se faire sa place dans le paysage français, contrairement à chez nos voisins européens.

Pourtant, le hors-site présente d’innombrables avantages. Ces pièces « prêtes à l’emploi » peuvent concerner tout aussi bien les menuiseries intérieures et extérieures ; les murs ; les planchers ; les vitres ; la charpente ; l’isolation ; les systèmes de ventilation et de chauffage… Cette méthode de construction, très bénéfique en zone urbaine, est une manière de concevoir la construction différemment. Elle accorde davantage de temps en amont pour planifier la conception. Ainsi, il est plus facile de pallier les éventuels aléas susceptibles de survenir sur le chantier.

Un peu d'histoire 

Tour Eiffel à Paris, ciel bleu
Tour Eiffel

Méconnu dans le paysage de la construction il y a encore quelques années, le hors-site est pourtant une méthode qui existe depuis des milliers d’années. Déjà dans l’Antiquité, les romains coulaient des moules en béton pour concevoir les aqueducs et autres structures de l’époque. Le hors-site interviendra également pour reconstruire rapidement Lisbonne, suite à une violence sismique ravageant la ville en 1755. Moins d’un siècle plus tard, cette technique sera utilisée pour construire des maisons en kit à destination des colons lors de la ruée vers l’or en Californie.

Au début du XXe siècle, la conception de l’iconique tour Eiffel reprend les principes de la préfabrication. Celle-ci sera construite en vingt-deux mois, à l’instar de l’Empire State Building, érigé en seulement treize mois grâce à des éléments en acier préfabriqués puis transportés sur place. Le hors-site se généralisera par la suite pour répondre à la pénurie de logements aux États-Unis. Notamment à la suite du krach boursier de 1929, puis en Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. 

Très répandue dans le monde, la construction hors site connaît un regain d’intérêt depuis l’avènement des nouvelles technologies. C’est le cas de l’impression 3D et autres techniques d’automatisation.

Quels sont les avantages de la construction hors-site ?

La tendance immo de la construction hors site présente de nombreux avantages et séduit les acteurs de l’immobilier.

Un rapport au temps réduit

À l’heure où les acteurs de l’immobilier et de l’urbanisme sont invités à réinvestir les centres-villes, en réponse à la zéro artificialisation nette des sols (ZAN), le hors-site apparaît comme une solution pertinente pour décongestionner la rue et réduire les nuisances sonores dues aux chantiers, dont souffrent les riverains à la mesure où les travaux s’éternisent. Un chantier qui dure deux fois moins de temps occasionne deux fois moins de bruit. Grâce à l’industrialisation des pièces, les délais de réalisation peuvent être réduits jusqu’à 50%. Cela engendre une livraison d’actifs plus rapide et donc, une amélioration du temps de commercialisation.

Gain de productivité pour le marché de la construction

En outre, la délocalisation de la majeure partie d’une production en usine permet de gagner en productivité. En effet, l’activité elle-même s’articule de manière fluide et organisationnelle. Les modules préfabriqués répondent à une ligne de production automatisée pouvant ainsi limiter le nombre de malfaçons. Ces derniers sont soumis à des tests rigoureux, gage d’une qualité de construction supérieure et d’une durabilité à long terme. Au-delà d’une productivité accrue, ce procédé constructif offre de meilleures conditions aux travailleurs. Rappelons-le, ceux-ci sont en permanence en proie aux risques liés au chantier lui-même. Le BTP est, en effet, l’un des secteurs qui recense le plus d’accidents graves. « En moyenne, chaque année, un salarié du BTP sur 18 est victime d’un accident du travail, soit un accident toutes les deux minutes travaillées, entraînant près de 19% de décès », relate l’Assurance Maladie.

Une rentabilité optimisée et des coûts maîtrisés

Autre avantage de la construction hors site et pas des moindres, l’optimisation des coûts par unité. Avec un prix du foncier en hausse, se pose la question de la rentabilité de ce système si déployé à grande échelle. Enfin, l’empreinte carbone y trouve son compte elle aussi. Avec une main d’œuvre essentiellement concentrée en usine, exit les voyages aller-retour intempestifs vers les chantiers. Moins de déplacement, moins d’émissions de gaz à effet de serre. Mais aussi une meilleure gestion des matériaux et de leurs déchets et donc une démarche qui s’inscrit dans l’économie circulaire.

4 promesses aux chantiers hors site 

  • Moins de nuisance sonore : préservation des nuisances sonores en ville et performance acoustique.
  • Une réduction de la durée d’un chantier et respect des délais de livraison : 10 mois suffisent contre 18 mois avec la méthode traditionnelle.
  • Une meilleure empreinte environnementale et une amélioration des consommations d’énergie : réduction de l’impact transport, valorisation des déchets, recyclage des matériaux, emploi des matériaux biosourcés et du bois.
  • Une maîtrise des coûts de production : accélération de la chaîne de construction en usine, multiplication des opérations à grande échelle et en série.

Première consécrations des constructeurs

En 2018, séduit par de telles promesses et afin d’inciter l’installation de bâtiments préfabriqués, le gouvernement redéfinit le concept de la préfabrication en lui ajoutant une dimension industrialisée. Dans le cadre de la loi Élan, portant sur l’Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, article 67 affirme : « La préfabrication consiste à concevoir et réaliser un ouvrage à partir d’éléments préfabriqués assemblés, installés et mis en œuvre sur le chantier. Ces éléments préfabriqués font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos et de couvert de la construction et peuvent intégrer l’isolation et les réserves pour les réseaux divers. Ils sont produits sur un site qui peut être soit une usine ou un atelier, soit une installation temporaire jouxtant le chantier ». Une opportunité à une époque où le secteur est bouleversé.

Début 2019, Julien De Normandie, ancien ministre du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité, confie à Bernard Michel, président de Real Estech, et Robin Rivaton, son directeur général, la mission de rédiger un rapport sur la construction à moindre coût, la dématérialisation de l’information dans l’immobilier et le renforcement de la production bas carbone. Publié officiellement en 2021, ce rapport dresse de nombreux arguments en faveur de l’industrialisation de la construction. Cela fait alors écho à l’adage « construire mieux, moins cher et plus vite ». Selon ses auteurs, « 80 à 85% des travaux pourraient être réalisés en usine », contre à peine 10% actuellement en France.

Une promesse de relance industrielle en série

École des coteaux à Heudebouville, Normandie, construction hors site
Sergio Grazia - Architectes : HEMAA Architectes & Hesters Oyon

Cinq ans après la loi Élan, on peut se demander où en est-on du côté des instances ? En mars dernier, les ministères de la Transition écologique, de l’Industrie et de la Ville ont insufflé un nouvel élan à travers l’appel à projets « Construction et rénovation hors site » (CRHOS). L’objectif ? Soutenir le déploiement du mode constructif hors site pour la construction neuve et la rénovation sur tout le territoire français. Pour les initiateurs, le développement de la filière hors site constitue également « un fort levier de relance industrielle pour la France, source d’emplois dans un secteur d’avenir en prise directe avec les défis de demain ».

Cet appel à projets fait l’objet de trois relèves : le 15 mai 2023, le 15 octobre 2023 et le 15 janvier 2024. Le cahier des charges est accessible sur la plateforme de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise d’énergie). L’heure n’est donc plus à la réflexion, mais à l’action, la construction hors site ayant déjà démontré ses arguments.

Deux leaders historiques de l'architecture hors-site

Dans le monde, la construction hors site a connu une croissance rapide au cours des dernières décennies. Largement développée des États-Unis à la Chine, la pratique fait son chemin en Europe. Si les exemples anglo-saxons ou scandinaves ne manquent pas, les projets conçus sous cette approche en France sont encore bégayants. Néanmoins, certains groupes et entreprises n’ont pas attendu que le gouvernement ouvre la voie pour s’emparer de la question.

GA Smart Building, pionnière sur la construction hors site en France

Futur siège de GA Smart Building
GA Smart Building © Studio Montazami & Tezuka Architects

C’est notamment le cas de GA Smart Building, qui œuvre en faveur d’un immobilier plus intelligent et plus durable depuis plus de 150 ans. Pionnière française de l’industrie hors site dès les années 1970, l’entreprise toulousaine a recours notamment à la maquette numérique (BIM) – Building Information Modeling. Cela permet de conceptualiser les éléments, de les fabriquer dans l’une des huit usines françaises, de les assembler sur site. Pour la réalisation d’un futur siège social à Toulouse, GA Smart Building mise sur la construction hors site, bien sûr ! Ici, les éléments de la structure et les façades seront fabriqués en usine, avant d’être assemblés sur place. Étendu sur une surface de 6 000 m², le bâtiment reposera sur une structure bois. Le tout conjugué à des matériaux biosourcés tels que le liège et des bétons bas carbone. Sa livraison est prévue en fin d’année.

La construction hors site constitue le futur de notre industrie. Avec le chantier de notre futur siège social à Toulouse, nous faisons la démonstration des vertus de notre approche en réalisant en un peu plus d’un an un bâtiment bas carbone de 6 000 m² entièrement aménagé, à l’architecture ambitieuse et au confort optimal.

Cougnaud Construction, le professionnel de la construction modulaire

Opérant historiquement sur le marché de l’immobilier tertiaire, le constructeur élargit désormais son approche industrielle au logement. Cela passe par la création d’un pôle immobilier résidentiel. Tout comme GA Smart Building, Cougnaud Construction, leader de la construction modulaire industrialisée depuis 50 ans, est convaincu que le hors-site a ses cartes à jouer dans la décarbonation du secteur. L’entreprise vendéenne a présenté lors de la dernière édition du salon Batimat, une nouvelle corde à son arc : l’ossature bois. En associant cette nouvelle solution à la construction hors site, l’ETI familiale souhaite concevoir des bâtiments plus performants et vertueux, répondant à la logique de performance recherchée par la RE2020 et anticiper au-delà de ses exigences.

Le hors-site rechallenge le secteur 

Résidence étudiante Constellation
Constellation © Réalités

Le contexte de pénurie des matériaux et d’urgence climatique pousse les acteurs des opérations à s’orienter vers ce mode constructif. Une décision qui se justifie en raison de son efficience et de sa durabilité, au regard de la trajectoire bas carbone. Fondée en 2019, la startup parisienne Vestack, spécialiste de la construction hors site de bâtiments en matériaux biosourcés a réalisé, en 2022, une levée de fonds de 10,3 millions d’euros. 

Certains promoteurs vont jusqu’à créer des pôles entièrement dédiés à la construction de bâtiments modulaires, à l’instar du dossier Réalités. Baptisé BuildTech et basé à La Janais, près de Rennes – le plus grand site de production industrielle en France (11 000 m² !) -, son pôle environnement, technologie et innovation de la construction développe la préfabrication de modules de bâtiments décarbonés, à haute performance énergétique et à partir de matériaux biosourcés. Le groupe nantais a notamment investi un million d’euros pour la création d’une cellule R&D 3D afin de développer son expertise dans le préfabriqué.

De leur côté, les mastodontes de l’immobilier s’associent de plus en plus à des industriels. Ainsi, Icade a noué, en novembre 2022, un partenariat avec Saint-Gobain. Ensemble, ils ont développé des projets à faible impact environnemental, c’est-à-dire en promouvant la construction bois, la préfabrication et l’usage de nouveaux produits conçus avec des écomatériaux. En février dernier, WeWood, le pôle d’expertise bois de Bouygues Bâtiment France et l’industriel TH ont uni leurs forces pour développer des modules préfabriqués à destination des salles de classe. Une solution clé en main modulaire et conçue avec une mixité de matériaux biosourcés. Si nous en sommes encore aux prémices, la construction hors site révolutionne, preuve en est, jour après jour, l’acte de construire.

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